Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/197

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elle que Clélia fit le signal dont elle était convenue pour appeler Fabrice dans les grandes occasions ; elle lui avoua tout ce qu’elle venait de faire. Vous voulez périr par le poison, ajouta-t-elle ; j’espère avoir le courage un de ces jours de quitter mon père, et de m’enfuir dans quelque couvent lointain ; voilà l’obligation que je vous aurai ; alors j’espère que vous ne résisterez plus aux plans qui peuvent vous être proposés pour vous tirer d’ici ; tant que vous y êtes, j’ai des moments affreux et déraisonnables ; de la vie je n’ai contribué au malheur de personne, et il me semble que je suis cause que vous mourrez. Une pareille idée que j’aurais au sujet d’un parfait inconnu me mettrait au désespoir, jugez de ce que j’éprouve quand je viens à me figurer qu’un ami, dont la déraison me donne de graves sujets de plaintes, mais qu’enfin je vois tous les jours depuis si longtemps, est en proie dans ce moment même aux douleurs de la mort. Quelquefois je sens le besoin de savoir de vous-même que vous vivez.

C’est pour me soustraire à cette affreuse douleur que je viens de m’abaisser jusqu’à demander une grâce à un subalterne qui pouvait me la refuser, et qui peut encore me trahir. Au reste, je serais peut-être heureuse qu’il vînt me dénoncer à mon