Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le lecteur se figure sans doute les belles choses qu’il disait, lorsque la femme de chambre avertit sa maîtresse que onze heures et demie venaient de sonner, et que le général pouvait rentrer à tout moment ; la séparation fut cruelle.

— Je vous vois peut-être pour la dernière fois, dit Clélia au prisonnier ; une mesure qui est dans l’intérêt évident de la cabale Raversi peut vous fournir une cruelle façon de prouver que vous n’êtes pas inconstant. Clélia quitta Fabrice étouffée par ses sanglots, et mourant de honte de ne pouvoir les dérober entièrement à sa femme de chambre ni surtout au geôlier Grillo. Une seconde conversation n’était possible que lorsque le général annoncerait devoir passer la soirée dans le monde et comme depuis la prison de Fabrice, et l’intérêt qu’elle inspirait à la curiosité du courtisan, il avait trouvé prudent de se donner un accès de goutte presque continuel, ses courses à la ville, soumises aux exigences d’une politique savante, ne se décidaient souvent qu’au moment de monter en voiture.

Depuis cette soirée dans la chapelle de marbre, la vie de Fabrice fut une suite de transports de joie. De grands obstacles, il est vrai, semblaient encore s’opposer à son bonheur ; mais enfin il avait cette joie