Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/21

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je n’en sais rien, tant j’ai Parme en horreur. Il n’y avait nulle intention d’épigramme dans ce mot, on voyait que la sincérité même parlait par sa bouche.

Le comte se tourna vivement de son côté ; l’âme du courtisan était scandalisée ; puis il adressa au prince un regard suppliant. Avec beaucoup de dignité et de sang-froid le prince laissa passer un moment ; puis s’adressant au comte :

— Je vois, dit-il, que votre charmante amie est tout à fait hors d’elle-même ; c’est tout simple, elle adore son neveu. Et, se tournant vers la duchesse, il ajouta, avec le regard le plus galant et en même temps de l’air que l’on prend pour citer le mot d’une comédie : Que faut-il faire pour plaire à ces beaux yeux ?

La duchesse avait eu le temps de réfléchir d’un ton ferme et lent, et comme si elle eût dicté son ultimatum, elle répondit :

— Son Altesse m’écrirait une lettre gracieuse, comme elle sait si bien les faire ; elle me dirait que, n’étant point convaincue de la culpabilité de Fabrice del Dongo, premier grand vicaire de l’archevêque, elle ne signera point la sentence quand on viendra la lui présenter, et que cette procédure injuste n’aura aucune suite à l’avenir.

— Comment injuste ! s’écria le prince