Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/236

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il avait, disait-il, un secret important à communiquer à la maîtresse du logis. Elle était si malheureuse qu’elle fit entrer : c’était Ferrante. — Il se passe ici une nouvelle iniquité dont le tribun du peuple doit prendre connaissance, lui dit cet homme fou d’amour. D’autre part, agissant comme simple particulier, ajouta-t-il, je ne puis donner à madame la duchesse Sanseverina que ma vie, et je la lui apporte.

Ce dévouement si sincère de la part d’un voleur et d’un fou toucha vivement la duchesse. Elle parla longtemps à cet homme qui passait pour le plus grand poète du nord de l’Italie, et pleura beaucoup. Voilà un homme qui comprend mon cœur, se disait-elle. Le lendemain il reparut toujours à l’Ave Maria, déguisé en domestique et portant livrée.

— Je n’ai point quitté Parme ; j’ai entendu dire une horreur que ma bouche ne répétera point ; mais me voici. Songez, madame, à ce que vous refusez ! L’être que vous voyez n’est pas une poupée de cour, c’est un homme ! Il était à genoux en prononçant ces paroles d’un air à leur donner de la valeur. Hier, je me suis dit, ajouta-t-il : Elle a pleuré en ma présence ; donc elle est un peu moins malheureuse !

— Mais, monsieur, songez donc quels