Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/261

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Vers le minuit un de ces brouillards épais et blancs que le Pô jette quelquefois sur ses rives s’étendit d’abord sur la ville, et ensuite gagna l’esplanade et les bastions au milieu desquels s’élève la grosse tour de la citadelle. Fabrice crut voir que du parapet de la plate-forme, on n’apercevait plus les petits acacias qui environnaient les jardins établis par les soldats au pied du mur de cent quatre-vingts pieds. Voilà qui est excellent, pensa-t-il.

Un peu après que minuit et demi eut sonné, le signal de la petite lampe parut à la fenêtre de la volière. Fabrice était prêt à agir ; il fit un signe de croix, puis attacha à son lit la petite corde destinée à lui faire descendre les trente-cinq pieds qui le séparaient de la plate-forme où était le palais. Il arriva sans encombre sur le toit du corps de garde occupé depuis la veille par les deux cents hommes de renfort dont nous avons parlé. Par malheur les soldats, à minuit trois quarts qu’il était alors, n’étaient pas encore endormis ; pendant qu’il marchait à pas de loup sur le toit de grosses tuiles creuses, Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur le toit, et qu’il fallait essayer de le tuer d’un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d’une grande impiété, d’autres disaient