Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/263

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n’aient pas vu et arrêté Fabrice ; à la vérité, le brouillard dont nous avons parlé commençait à monter, et Fabrice a dit que lorsqu’il était sur la plate-forme, le brouillard lui semblait arrivé déjà jusqu’à moitié de la tour Farnèse. Mais ce brouillard n’était point épais, et il apercevait fort bien les sentinelles dont quelques-unes se promenaient. Il ajoutait que, poussé comme par une force surnaturelle, il alla se placer hardiment entre deux sentinelles assez voisines. Il défit tranquillement la grande corde qu’il avait autour du corps et qui s’embrouilla deux fois ; il lui fallut beaucoup de temps pour la débrouiller et l’étendre sur le parapet. Il entendait les soldats parler de tous les côtés, bien résolu à poignarder le premier qui s’avancerait vers lui. Je n’étais nullement troublé, ajoutait-il, il me semblait que j’accomplissais une cérémonie.

Il attacha sa corde enfin débrouillée à une ouverture pratiquée dans le parapet pour l’écoulement des eaux, il monta sur ce même parapet, et pria Dieu avec ferveur ; puis, comme un héros des temps de chevalerie, il pensa un instant à Clélia. Combien je suis différent, se dit-il, du Fabrice léger et libertin qui entra ici il y a neuf mois ! Enfin il se mit à descendre cette étonnante hauteur. Il agissait méca-