Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gauche ; on fit encore deux lieues avec une extrême rapidité, puis on fut arrêté plus d’une heure pour la vérification des passe-ports. La duchesse en avait de toutes les sortes pour elle et pour Fabrice ; mais elle était folle ce jour-là, elle s’avisa de donner dix Napoléons au commis de la police autrichienne, et de lui prendre la main en fondant en larmes. Ce commis, fort effrayé, recommença l’examen. On prit la poste ; la duchesse payait d’une façon si extravagante, que partout elle excitait les soupçons en ce pays où tout étranger est suspect. Ludovic lui vint encore en aide ; il dit que madame la duchesse était folle de douleur, à cause de la fièvre continue du jeune comte Mosca, fils du premier ministre de Parme, qu’elle emmenait avec elle consulter les médecins de Pavie.

Ce ne fut qu’à dix lieues par delà le Pô que le prisonnier se réveilla tout à fait, il avait une épaule luxée et force écorchures. La duchesse avait encore des façons si extraordinaires que le maître d’une auberge de village, où l’on dîna, crut avoir affaire à une princesse du sang impérial, et allait lui faire rendre les honneurs qu’il croyait lui être dus, lorsque Ludovic dit à cet homme que la princesse le ferait immanquablement