Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/277

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que le courage de monsignore et l’esprit de madame viennent de déshonorer ; je prends un sentier dans la campagne, de moi bien connu, et je fais mon entrée à la Ricciarda.

Ludovic leva les yeux sur la duchesse et fut effrayé ; elle regardait fixement la muraille nue à six pas d’elle, et, il faut en convenir, son regard était atroce. Ah ! ma pauvre terre ! pensa Ludovic ; le fait est qu’elle est folle ! La duchesse le regarda et devina sa pensée.

— Ah ! monsieur Ludovic le grand poëte, vous voulez une donation par écrit : courez me chercher une feuille de papier. Ludovic ne se fit pas répéter cet ordre, et la duchesse écrivit de sa main une longue reconnaissance antidatée d’un an, et par laquelle elle déclarait avoir reçu, de Ludovic San-Micheli la somme de 80.000 francs, et lui avoir donné en gage la terre de la Ricciarda. Si après douze mois révolus la duchesse n’avait pas rendu lesdits 80.000 francs à Ludovic, la terre de la Ricciarda resterait sa propriété.

Il est beau, se disait la duchesse, de donner à un serviteur fidèle le tiers à peu près de ce qui me reste pour moi-même.

— Ah çà ! dit la duchesse à Ludovic, après la plaisanterie du réservoir, je ne