Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/285

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Et ainsi, disait le dernier vers du sonnet, j’aurai trouvé mon paradis sur la terre.

Quoiqu’on ne parlât de Fabrice à la citadelle de Parme que comme d’un traître infâme qui avait violé les devoirs les plus sacrés, toutefois le bon prêtre don Cesare fut ravi par la vue des beaux livres qu’un inconnu lui faisait parvenir ; car Fabrice avait eu l’attention de n’écrire que quelques jours après l’envoi, de peur que son nom ne fît renvoyer tout le paquet avec indignation. Don Cesare ne parla point de cette attention à son frère, qui entrait en fureur au seul nom de Fabrice ; mais depuis la fuite de ce dernier, il avait repris toute son ancienne intimité avec son aimable nièce ; et comme il lui avait enseigné jadis quelques mots de latin, il lui fit voir les beaux ouvrages qu’il recevait. Tel avait été l’espoir du voyageur. Tout à coup Clélia rougit extrêmement, elle venait de reconnaître l’écriture de Fabrice. De grands morceaux fort étroits de papier jaune étaient placés en guise de signets en divers endroits du volume. Et comme il est vrai de dire qu’au milieu des plats intérêts d’argent, et de la froideur décolorée des pensées vulgaires qui remplissent notre vie, les démarches inspirées par une vraie passion manquent rarement de produire leur effet ; comme si une divi-