Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/348

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Le prince se jeta sur un des portefeuilles comme un furieux, et en vida tout le contenu dans la cheminée. La masse des papiers fut sur le point d’étouffer les deux bougies ; l’appartement se remplit de fumée. La princesse vit dans les yeux de son fils qu’il était tenté de saisir une carafe et de sauver ces papiers, qui lui coûtaient quatre-vingt mille francs.

— Ouvrez donc la fenêtre ! cria-t-elle à la duchesse avec humeur. La duchesse se hâta d’obéir ; aussitôt tous les papiers s’enflammèrent à la fois ; il se fit un grand bruit dans la cheminée, et bientôt il fut évident qu’elle avait pris feu.

Le prince avait l’âme petite pour toutes les choses d’argent ; il crut voir son palais en flammes, et toutes les richesses qu’il contenait détruites ; il courut à la fenêtre et appela la garde d’une voix toute changée. Les soldats en tumulte étant accourus dans la cour à la voix du prince, il revint près de la cheminée qui attirait l’air de la fenêtre ouverte avec un bruit réellement effrayant ; il s’impatienta, jura, fit deux ou trois tours dans le cabinet comme un homme hors de lui, et, enfin, sortit en courant.

La princesse et sa grande maîtresse restèrent debout, l’une vis-à-vis de l’autre, et gardant un profond silence.