Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/358

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administré par Rassi ; ce soupçon lui semblerait le comble de l’immoralité. Toutefois, si vous l’exigez, je suis prêt à monter au palais ; mais je suis sûr de la réponse. Je vais vous dire plus : je vous offre un moyen que je n’emploierais pas pour moi. Depuis que j’ai le pouvoir en ce pays, je n’ai pas fait périr un seul homme, et vous savez que je suis tellement nigaud de ce côté-là, que quelquefois, à la chute du jour, je pense encore à ces deux espions que je fis fusiller un peu légèrement en Espagne. Eh bien ! voulez-vous que je vous défasse de Rassi ? Le danger qu’il fait courir à Fabrice est sans bornes ; il tient là un moyen sûr de me faire déguerpir.

Cette proposition plut extrêmement à la duchesse ; mais elle ne l’adopta pas.

— Je ne veux pas, dit-elle au comte, que, dans notre retraite, sous ce beau ciel de Naples, vous ayez des idées noires le soir.

— Mais, chère amie, il me semble que nous n’avons que le choix des idées noires. Que devenez-vous, que deviens-je moi-même, si Fabrice est emporté par une maladie ?

La discussion reprit de plus belle sur cette idée, et la duchesse la termina par cette phrase :