Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/376

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C’était son esprit seul qui parlait ; son âme avait été glacée par l’idée du poison d’abord, et ensuite par cette autre idée, aussi désobligeante que la première était terrible : on administre du poison dans mes états, et cela sans me le dire ! Rassi veut donc me déshonorer aux yeux de l’Europe ! Et Dieu sait ce que je lirai le mois prochain dans les journaux de Paris !

Tout à coup l’âme de ce jeune homme si timide se taisant, son esprit arriva à une idée.

— Chère duchesse ! vous savez si je vous suis attaché. Vos idées atroces sur le poison ne sont pas fondées, j’aime à le croire ; mais enfin elles me donnent aussi à penser, elles me font presque oublier pour un instant la passion que j’ai pour vous, et qui est la seule que de ma vie j’ai éprouvée. Je sens que je ne suis pas aimable ; je ne suis qu’un enfant bien amoureux ; mais enfin mettez-moi à l’épreuve.

Le prince s’animait assez en tenant ce langage.

— Sauvez Fabrice, et je crois tout ! Sans doute je suis entraînée par les craintes folles d’une âme de mère ; mais envoyez à l’instant chercher Fabrice à la citadelle, que je le voie. S’il vit encore, envoyez-le