Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

malheurs de Clélia ; elle savait que son père, tombé dans une profonde disgrâce, ne pouvait rentrer à Parme et reparaître à la cour (chose sans laquelle la vie était impossible pour lui) que le jour de son mariage avec le marquis Crescenzi, elle écrivit à son père qu’elle désirait ce mariage. Le général était alors réfugié à Turin, et malade de chagrin. À la vérité, le contre-coup de cette grande résolution avait été de la vieillir de dix ans.

Elle avait fort bien découvert que Fabrice avait une fenêtre vis-à-vis le palais Contarini ; mais elle n’avait eu le malheur de le regarder qu’une fois ; dès qu’elle apercevait un air de tête ou une tournure d’homme ressemblant un peu à la sienne, elle fermait les yeux à l’instant. Sa piété profonde et sa confiance dans le secours de la Madone étaient désormais ses seules ressources. Elle avait la douleur de ne pas avoir d’estime pour son père ; le caractère de son futur mari lui semblait parfaitement plat et à la hauteur des façons de sentir du grand monde ; enfin, elle adorait un homme qu’elle ne devait jamais revoir, et qui pourtant avait des droits sur elle. Cet ensemble de destinée lui semblait le malheur parfait, et nous avouerons qu’elle avait raison. Il eût fallu,