Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/433

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Fabrice n’avait garde d’obéir ; la simple lettre qu’il écrivait tous les jours au comte ou à la comtesse lui semblait une corvée presque insupportable. On lui pardonnera quand on saura qu’une année entière se passa ainsi, sans qu’il pût adresser une parole à la marquise. Toutes ses tentatives pour établir quelque correspondance avaient été repoussées avec horreur. Le silence habituel que, par ennui de la vie, Fabrice gardait partout, excepté dans l’exercice de ses fonctions et à la cour, joint à la pureté parfaite de ses mœurs, l’avait mis dans une vénération si extraordinaire qu’il se décida enfin à obéir aux conseils de sa tante.

« Le prince a pour toi une vénération telle, lui écrivait-elle, qu’il faut t’attendre bientôt à une disgrâce ; il te prodiguera les marques d’inattention, et les mépris atroces des courtisans suivront les siens. Ces petits despotes, si honnêtes qu’ils soient, sont changeants comme la mode et par la même raison : l’ennui. Tu ne peux trouver de forces contre le caprice du souverain que dans la prédication. Tu improvises si bien en vers ! essaye de parler une demi-heure sur la religion ; tu diras des hérésies dans les commencements ; mais paye un théologien savant et discret qui assistera à tes sermons, et