Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/436

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un ténor qui faisait fureur et remplissait la salle tous les soirs qui la faisait déroger à ses habitudes. Le premier mouvement de Fabrice fut une joie extrême. Enfin je pourrai la voir toute une soirée ! On dit qu’elle est bien pâle. Et il cherchait à se figurer ce que pouvait être cette tête charmante, avec des couleurs à demi effacées par les combats de l’âme.

Son ami Ludovic, tout consterné de ce qu’il appelait la folie de son maître, trouva, mais avec beaucoup de peine, une loge au quatrième rang, presque en face de celle de la marquise. Une idée se présenta à Fabrice : J’espère lui donner l’idée de venir au sermon, et je choisirai une église fort petite, afin d’être en état de la bien voir. Fabrice prêchait ordinairement à trois heures. Dès le matin du jour où la marquise devait aller au spectacle, il fit annoncer qu’un devoir de son état le retenant à l’archevêché pendant toute la journée, il prêcherait par extraordinaire à huit heures et demie du soir, dans la petite église de Sainte-Marie de la Visitation, située précisément en face d’une des ailes du palais Crescenzi. Ludovic présenta de sa part une quantité énorme de cierges aux religieuses de la Visitation, avec prière d’illuminer à jour leur église. Il eut toute une compagnie de grenadiers