Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/469

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’enlèvement serait connu. Il n’y avait qu’un moyen de parer à ce danger, il fallait envoyer l’enfant au loin, à Édimbourg, par exemple, ou à Paris ; mais c’est à quoi la tendresse d’une mère ne pouvait se résoudre. L’autre moyen proposé par Fabrice, et en effet le plus raisonnable, avait quelque chose de sinistre augure et de presque encore plus affreux aux yeux de cette mère éperdue ; il fallait, disait Fabrice, feindre une maladie ; l’enfant serait de plus en plus mal, enfin il viendrait à mourir pendant une absence du marquis Crescenzi.

Une répugnance qui, chez Clélia, allait jusqu’à la terreur, causa une rupture qui ne put durer.

Clélia prétendait qu’il ne fallait pas tenter Dieu ; que ce fils si chéri était le fruit d’un crime, et que, si encore l’on irritait la colère céleste, Dieu ne manquerait pas de le retirer à lui. Fabrice reparlait de sa destinée singulière : L’état que le hasard m’a donné, disait-il à Clélia, et mon amour m’obligent à une solitude éternelle, je ne puis, comme la plupart de mes confrères, avoir les douceurs d’une société intime, puisque vous ne voulez me recevoir que dans l’obscurité, ce qui réduit à des instants, pour ainsi dire, la partie de ma vie que je puis passer avec vous.