Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/53

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prison bâtie sur la plate-forme de la grosse tour, à une élévation prodigieuse. Il ne songea pas une seule fois, distinctement du moins, au grand changement qui venait de s’opérer dans son sort. Quel regard ! se disait-il ; que de choses il exprimait ! quelle profonde pitié ! Elle avait l’air de dire la vie est un tel tissu de malheurs ! Ne vous affligez point trop de ce qui vous arrive ! est-ce que nous ne sommes point ici-bas pour être infortunés ? Comme ses yeux si beaux restaient attachés sur moi, même quand les chevaux s’avancaient avec tant de bruit sous la voûte !

Fabrice oubliait complètement d’être malheureux.

Clélia suivit son père dans plusieurs salons ; au commencement de la soirée, personne ne savait encore la nouvelle de l’arrestation du grand coupable, car ce fut le nom que les courtisans donnèrent deux heures plus tard à ce pauvre jeune homme imprudent.

On remarqua ce soir-là plus d’animation que de coutume dans la figure de Clélia ; or, l’animation, l’air de prendre part à ce qui l’environnait, étaient surtout ce qui manquait à cette belle personne. Quand on comparait sa beauté à celle de la duchesse, c’était surtout cet air de n’être émue par rien, cette façon d’être comme