Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/73

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de successeur, notre prince royal, et l’infâme bourreau Rassi font pendre Fabrice comme mon complice.

La duchesse jeta des cris : cette alternative dont elle ne voyait aucun moyen de sortir torturait ce cœur malheureux. Sa tête troublée ne voyait aucune autre probabilité dans l’avenir. Pendant dix minutes elle s’agita comme une insensée ; enfin un sommeil d’accablement remplaça pour quelques instants cet état horrible, la vie était épuisée. Quelques minutes après, elle se réveilla en sursaut, et se trouva assise sur son lit ; il lui semblait qu’en sa présence le prince voulait faire couper la tête à Fabrice. Quels yeux égarés la duchesse ne jeta-t-elle pas autour d’elle ! Quand enfin elle se fut convaincue qu’elle n’avait sous les yeux ni le prince ni Fabrice, elle retomba sur son lit et fut sur le point de s’évanouir. Sa faiblesse physique était telle qu’elle ne se sentait pas la force de changer de position. Grand Dieu ! si je pouvais mourir ! se dit-elle… Mais quelle lâcheté ! moi abandonner Fabrice dans le malheur ! Je m’égare… Voyons, revenons au vrai ; envisageons de sang-froid l’exécrable position où je me suis plongée comme à plaisir. Quelle funeste étourderie ! venir habiter la cour d’un prince absolu ! un tyran qui connaît toutes ses