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— Donne-m’en un de tes napoléons, dit la vivandière à Fabrice. Puis s’approchant du soldat à cheval : Descends vivement, lui dit-elle, voilà ton napoléon.

Le soldat descendit, Fabrice sauta en selle gaiement ; la vivandière détachait le petit porte manteau qui était sur la rosse.

— Aidez-moi donc, vous autres ! dit-elle aux soldats ; c’est comme ça que vous laissez travailler une dame !

Mais à peine le cheval de prise sentit le portemanteau, qu’il se mit à se cabrer, et Fabrice, qui montait fort bien, eut besoin de toute sa force pour le contenir.

— Bon signe ! dit la vivandière, le monsieur n’est pas accoutumé au chatouillement du portemanteau.

— Un cheval de général, s’écriait le soldat qui l’avait vendu, un cheval qui vaut dix napoléons comme un liard !

— Voilà vingt francs, lui dit Fabrice, qui ne se sentait pas de joie de se trouver entre les jambes un cheval qui eût du mouvement.

À ce moment, un boulet donna dans la ligne de saules, qu’il prit de biais, et Fabrice eut le curieux spectacle de toutes ces petites branches volant de côté et d’autre comme rasées par un coup de faux.

— Tiens, voilà le brutal qui s’avance, lui dit le