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au maréchal Ney et à la gloire qu’à son cheval, lequel, étant fort animé, sauta dans le canal ; ce qui fit rejaillir l’eau à une hauteur considérable. Un des généraux fut entièrement mouillé par la nappe d’eau, et s’écria en jurant : — Au diable la f… bête ! Fabrice se sentit profondément blessé de cette injure. Puis-je en demander raison ? se dit-il. En attendant, pour prouver qu’il n’était pas si gauche, il entreprit de faire monter à son cheval la rive opposée du fossé ; mais elle était à pic et haute de cinq à six pieds. Il fallut y renoncer ; alors il remonta le courant, son cheval ayant de l’eau jusqu’à la tête, et enfin trouva une sorte d’abreuvoir ; par cette pente douce il gagna facilement le champ de l’autre côté du canal. Il fut le premier homme de l’escorte qui y parut ; il se mit à trotter fièrement le long du bord : au fond du canal les hussards se démenaient, assez embarrassés de leur position ; car en beaucoup d’endroits l’eau avait cinq pieds de profondeur. Deux ou trois chevaux prirent peur et voulurent nager, ce qui fit un barbotement épouvantable. Un maréchal-des-logis s’aperçut de la manœuvre que venait de faire ce blanc-bec, qui avait l’air si peu militaire.

— Remontez ! il y a un abreuvoir à gauche ! s’écria-t-il, et peu à peu tous passèrent.

En arrivant sur l’autre rive, Fabrice y avait trouvé les généraux tout seuls ; le bruit du canon