Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 101 —

bons amis, la cantinière et le caporal Aubry.

Dans ce blé, il vérifia qu’il n’avait plus que dix-huit napoléons, au lieu de trente comme il le pensait ; mais il lui restait de petits diamants qu’il avait placés dans la doublure des bottes du hussard, le matin dans la chambre de la geôlière, à B***. Il cacha ses napoléons du mieux qu’il put, tout en réfléchissant profondément à cette disparition si soudaine. Cela est-il d’un mauvais présage pour moi ? se disait-il. Son principal chagrin était de ne pas avoir adressé cette question au caporal Aubry : Ai-je réellement assisté à une bataille ? il lui semblait que oui, et il eût été au comble du bonheur s’il en eût été certain.

Toutefois, se dit-il, j’y ai assisté portant le nom d’un prisonnier, j’avais la feuille de route d’un prisonnier dans ma poche, et, bien plus, son habit sur moi ! Voilà qui est fatal pour l’avenir : qu’en eût dit l’abbé Blanès ? Et ce malheureux Boulot est mort en prison ! Tout cela est de sinistre augure ; le destin me conduira en prison. Fabrice eût donné tout au monde pour savoir si le hussard Boulot était réellement coupable ; en rappelant ses souvenirs, il lui semblait que la geôlière de B*** lui avait dit que le hussard avait été ramassé non-seulement pour des couverts d’argent, mais encore pour avoir volé la vache d’un paysan, et battu le paysan à toute outrance : Fabrice ne doutait pas qu’il ne fût mis un jour en