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avec le prince, et armé jusqu’aux dents, il visite tous les coins des appartements, regarde sous les lits, et, en un mot, se livre à une foule d’actions ridicules dignes d’une vieille femme. Toutes ces précautions eussent semblé bien avilissantes au prince lui-même dans les temps heureux où il faisait la guerre et n’avait tué personne qu’à coups de fusil. Comme c’est un homme d’infiniment d’esprit, il a honte de ces précautions ; elles lui semblent ridicules, même au moment où il s’y livre, et la source de l’immense crédit du comte Mosca, c’est qu’il emploie toute son adresse à faire que le prince n’ait jamais à rougir en sa présence. C’est lui, Mosca, qui, en sa qualité de ministre de la police, insiste pour regarder sous les meubles, et, dit-on à Parme, jusque dans les étuis des contre-basses. C’est le prince qui s’y oppose et plaisante son ministre sur sa ponctualité excessive. — Ceci est un pari, lui répond le comte Mosca : songez aux sonnets satiriques dont les jacobins nous accableraient si nous vous laissions tuer. Ce n’est pas seulement votre vie que nous défendons, c’est notre honneur. Mais il paraît que le prince n’est dupe qu’à demi, car si quelqu’un dans la ville s’avise de dire que la veille on a passé une nuit blanche au château, le grand-fiscal Rassi envoie le mauvais plaisant à la citadelle ; et une fois dans cette demeure élevée et en bon air, comme on dit à Parme, il faut un mi-