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la plus tendre amitié, je vous accorde une confiance sans bornes ; et de tous les hommes, vous êtes celui que je préfère. La comtesse se croyait parfaitement sincère, pourtant vers la fin, cette déclaration contenait un petit mensonge. Peut-être si Fabrice l’eût voulu, il l’eût emporté sur tout dans son cœur. Mais Fabrice n’était qu’un enfant aux yeux du comte Mosca ; celui-ci arriva à Milan trois jours après le départ du jeune étourdi pour Novare, et il se hâta d’aller parler en sa faveur au baron Binder. Le comte pensa que l’exil était une affaire sans remède.

Il n’était point arrivé seul à Milan, il avait dans sa voiture le duc Sanseverina-Taxis, joli petit vieillard de soixante-huit ans, gris pommelé, bien poli, bien propre, immensément riche, mais pas assez noble. C’était son grand-père seulement qui avait amassé des millions par le métier de fermier général des revenus de l’État de Parme. Son père s’était fait nommer ambassadeur du prince de Parme à la cour de ***, à la suite du raisonnement que voici : — Votre Altesse accorde trente mille francs à son envoyé à la cour de ***, lequel y fait une figure fort médiocre. Si elle daigne me donner cette place, j’accepterai six mille francs d’appointements. Ma dépense à la cour de *** ne sera jamais au-dessous de cent mille francs par an, et mon intendant remettra chaque année vingt mille francs à la caisse des affaires étran-