Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/22

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de tête de Gina, qui de temps à autre se jette à la traverse et piétine ses toiles d’araignée.

Toute cette peinture d’une petite cour dans un gouvernement despotique est une merveille d’invention et d’ingéniosité. Songez qu’il a fallu créer tous les personnages épisodiques qui se meuvent sur cet étroit théâtre, comme des vibrions dans la goutte d’eau où ils se poursuivent et se dévorent. Tous sont enlevés de main de maître, et le prince Ranuce, ce faux Louis XIV, avec ses terreurs, ses rages, ses cruautés et son fonds irrémédiable de vanité sotte ; et le fiscal Rassi, ce polichinelle terrible qui tend le dos aux coups de pied et prononce les condamnations à mort en faisant des lazzi ; et le jeune prince héritier avec ses timidités rougissantes et ses sournoises rancunes ; et la pauvre princesse Isola, confinée dans son orgueil de princesse du sang comme une sainte en sa châsse ; et le bon archevêque, un roturier à genoux devant la noblesse, mais retrouvant quand il le faut, dans les grandes circonstances, l’énergie de l’homme de Dieu, qu’il enveloppe et ouate de finesses italiennes ; et cet imbécile de Conti, le gouverneur de la citadelle ; et cette perverse comtesse Raversi ; et toute la clique bourdonnante des courtisans. Et j’allais oublier cette figure si vivante, si curieuse, de