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duchesse à venir à Parme, elle avait souvent excité sa jalousie, surtout dans les premiers temps, mais jamais elle ne lui avait donné de sujet de plainte réel. Il croyait même, et il avait raison, que c’était dans le dessein de mieux s’assurer de son cœur que la duchesse avait eu recours à ces apparences de distinction en faveur de quelques jeunes beaux de la cour. Il était sûr, par exemple, qu’elle avait refusé les hommages du prince, qui même, à cette occasion, avait dit un mot instructif.

— Mais si j’acceptais les hommages de votre altesse, lui disait la duchesse en riant, de quel front oser reparaître devant le comte ?

— Je serais presque aussi décontenancé que vous. Le cher comte ! mon ami ! Mais c’est un embarras bien facile à tourner et auquel j’ai songé : le comte serait mis à la citadelle pour le reste de ses jours.

Au moment de l’arrivée de Fabrice, la duchesse fut tellement transportée de bonheur, qu’elle ne songea pas du tout aux idées que ses yeux pourraient donner au comte. L’effet fut profond et les soupçons sans remède.

Fabrice fut reçu par le prince deux heures après son arrivée ; la duchesse, prévoyant le bon effet que cette audience impromptu devait produire dans le public, la sollicitait depuis deux mois : cette faveur mettait Fabrice hors de pair dès le premier instant ; le prétexte avait été qu’il