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Est-il bien possible, se disait Fabrice en revenant au palais Sanseverina, que ce soit là l’homme qui a fait hâter le supplice de ce pauvre comte Palanza !

— Que pense votre excellence ? lui dit en riant le comte Mosca, en le voyant rentrer chez la duchesse (le comte ne voulait pas que Fabrice l’appelât excellence).

— Je tombe des nues ; je ne connais rien au caractère des hommes : j’aurais parié, si je n’avais pas su son nom, que celui-ci ne peut voir saigner un poulet.

— Et vous auriez gagné, reprit le comte ; mais quand il est devant le prince, ou seulement devant moi, il ne peut dire non. À la vérité, pour que je produise tout mon effet, il faut que j’aie le grand cordon jaune passé par-dessus l’habit ; en frac il me contredirait, aussi je prends toujours un uniforme pour le recevoir. Ce n’est pas à nous à détruire le prestige du pouvoir, les journaux français le démolissent bien assez vite ; à peine si la manie respectante vivra autant que nous, et vous, mon neveu, vous survivrez au respect. Vous, vous serez bon homme !

Fabrice se plaisait fort dans la société du comte : c’était le premier homme supérieur qui eût daigné lui parler sans comédie ; d’ailleurs ils avaient un goût commun, celui des antiquités et des fouilles. Le comte, de son côté, était flatté de l’extrême