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une quarantaine d’écus que je vous offre de bien bon cœur ; on n’a pas toujours de l’argent sur soi lorsqu’il arrive de ces accidents.

Fabrice avait ôté son habit à cause de la chaleur en entrant dans la Trattoria :

— Vous avez là un gilet qui pourrait nous causer de l’embarras s’il entrait quelqu’un : cette belle toile anglaise attirerait l’attention. Elle donna à notre fugitif un gilet de toile teinte en noir, appartenant à son mari. Un grand jeune homme entra dans la boutique par une porte intérieure, il était mis avec une certaine élégance.

— C’est mon mari, dit l’hôtesse. Pierre-Antoine, dit-elle au mari, monsieur est un ami de Ludovic ; il lui est arrivé un accident ce matin de l’autre côté du fleuve, il désire se sauver à Ferrare.

— Hé ! nous le passerons, dit le mari d’un air fort poli ; nous avons la barque de Charles-Joseph.

Par une autre faiblesse de notre héros, que nous avouerons aussi naturellement que nous avons raconté sa peur dans le bureau de police au bout du pont, il avait les larmes aux yeux ; il était profondément attendri par le dévouement parfait qu’il rencontrait chez ces paysans : il pensait aussi à la bonté caractéristique de sa tante ; il eût voulu pouvoir faire la fortune de ces gens. Ludovic rentra chargé d’un paquet.

— Adieu cet autre, lui dit le mari d’un air de bonne amitié.