Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/70

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extérieures accordées à l’amant régnant, je trouverai peut-être une place convenable.

Après cette déclaration héroïque, la comtesse ne voulut plus des chevaux ni de la loge du comte N… Mais depuis quinze ans elle était accoutumée à la vie la plus élégante : elle eut à résoudre ce problème difficile ou pour mieux dire impossible : vivre à Milan avec une pension de 1500 francs. Elle quitta son palais, loua deux chambres à un cinquième étage, renvoya tous ses gens et jusqu’à sa femme de chambre, remplacée par une pauvre vieille faisant des ménages. Ce sacrifice était dans le fait moins héroïque et moins pénible qu’il ne nous semble ; à Milan la pauvreté n’est pas un ridicule, et partant ne se montre pas aux âmes effrayées comme le pire des maux. Après quelques mois de cette pauvreté noble, assiégée par les lettres continuelles de Limercati, et même du comte N…, qui lui aussi voulait épouser, il arriva que le marquis del Dongo, ordinairement d’une avarice exécrable, vint à penser que ses ennemis pourraient bien triompher de la misère de sa sœur. Quoi ! une del Dongo être réduite à vivre avec la pension que la cour de Vienne, dont il avait tant à se plaindre, accorde aux veuves de ses généraux !

Il lui écrivit qu’un appartement et un traitement dignes de sa sœur l’attendaient au château de Grianta. L’âme mobile de la comtesse embrassa