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Le frère aîné de Fabrice, le marchésine Ascagne, voulut se mettre des promenades de ces dames ; mais sa tante jetait de l’eau sur ses cheveux poudrés, et avait tous les jours quelque nouvelle niche à lancer à sa gravité. Enfin il délivra de l’aspect de sa grosse figure blafarde la joyeuse troupe qui n’osait rire en sa présence. On pensait qu’il était l’espion du marquis son père, et il fallait ménager ce despote sévère et toujours furieux depuis sa démission forcée.

Ascagne jura de se venger de Fabrice.

Il y eut une tempête où l’on courut des dangers ; quoiqu’on eût infiniment peu d’argent, on paya généreusement les deux bateliers pour qu’ils ne dissent rien au marquis, qui déjà témoignait beaucoup d’humeur de ce qu’on emmenait ses deux filles. On rencontra une seconde tempête ; elles sont terribles et imprévues sur ce beau lac : des rafales de vent sortent à l’improviste de deux gorges de montagnes placées dans des directions opposées et luttent sur les eaux. La comtesse voulut débarquer au milieu de l’ouragan et des coups de tonnerre ; elle prétendait que, placée sur un rocher isolé au milieu du lac, et grand comme une petite chambre, elle aurait un spectacle singulier ; elle se verrait assiégée de toutes parts par des vagues furieuses ; mais, en sautant de la barque, elle tomba dans l’eau. Fabrice se jeta après elle pour la sauver, et tous deux furent en-