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Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/102

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tions, il reçut une lettre parfaitement fausse, mais fort bien écrite ; on eût dit un ami écrivant à son ami pour lui demander un service. L’ami qui écrivait n’était autre que le prince. Ayant ouï parler de certains projets de retraite, il suppliait son ami, le comte Mosca, de garder le ministère ; il le lui demandait au nom de l’amitié et des dangers de la patrie ; et le lui ordonnait comme son maître. Il ajoutait que le roi de *** venant de mettre à sa disposition deux cordons de son ordre, il en gardait un pour lui, et envoyait l’autre à son cher comte Mosca.

Cet animal-là fait mon malheur ! s’écria le comte furieux, devant Bruno stupéfait, et croit me séduire par ces mêmes phrases hypocrites que tant de fois nous avons arrangées ensemble pour prendre à la glu quelque sot. Il refusa l’ordre qu’on lui offrait, et dans sa réponse parla de l’état de sa santé comme ne lui laissant que bien peu d’espérance de pouvoir s’acquitter longtemps encore des pénibles travaux du ministère. Le comte était furieux. Un instant après, on annonça le fiscal Rassi, qu’il traita comme un nègre.

— Eh bien ! parce que je vous ai fait noble, vous commencez à faire l’insolent ! Pourquoi n’être pas venu hier pour me remercier, comme c’était votre devoir étroit, monsieur le cuistre ?

Le Rassi était bien au-dessus des injures ; c’était sur ce ton-là qu’il était journellement reçu par le