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et pleurait à force de rire : le geôlier Grillo, non moins riant, avait fermé la porte ; le chien, courant après les rats, n’était gêné par aucun meuble, car la chambre était absolument nue ; il n’y avait pour gêner les bonds du chien chasseur qu’un poêle de fer dans un coin. Quand le chien eut triomphé de tous ses ennemis, Fabrice l’appela, le caressa, réussit à lui plaire : Si jamais celui-ci me voit sautant par-dessus quelque mur, se dit-il, il n’aboiera pas. Mais cette politique raffinée était une prétention de sa part : dans la situation d’esprit où il était, il trouvait son bonheur à jouer avec ce chien. Par une bizarrerie à laquelle il ne réfléchissait point, une secrète joie régnait au fond de son âme.

Après qu’il se fut bien essoufflé à courir avec le chien :

— Comment vous appelez-vous ? dit Fabrice au geôlier.

— Grillo, pour servir votre excellence dans tout ce qui est permis par le règlement.

— Eh bien, mon cher Grillo, un nommé Giletti a voulu m’assassiner au milieu d’un grand chemin, je me suis défendu et l’ai tué ; je le tuerais encore si c’était à faire : mais je n’en veux pas moins mener joyeuse vie, tant que je serai votre hôte. Sollicitez l’autorisation de vos chefs et allez demander du linge au palais Sanseverina ; de plus, achetez-moi force nébieu d’Asti.