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à se sauver, que le geôlier à fermer sa porte ; donc, quels que soient les obstacles, l’amant et le prisonnier doivent réussir. »

Ce soir-là Fabrice entendait fort distinctement un grand nombre d’hommes passer sur le pont en fer, dit le pont de l’esclave, parce que jadis un esclave dalmate avait réussi à se sauver, en précipitant le gardien du pont dans la cour.

On vient faire ici un enlèvement, on va peut-être me mener pendre ; mais il peut y avoir du désordre, il s’agit d’en profiter. Il avait pris ses armes, il retirait déjà de l’or de quelques-unes de ses cachettes, lorsque tout à coup il s’arrêta.

— L’homme est un plaisant animal, s’écria-t-il, il faut en convenir ! Que dirait un spectateur invisible qui verrait mes préparatifs ? Est-ce que par hasard je veux me sauver ? Que deviendrais-je le lendemain du jour où je serais de retour à Parme ? est-ce que je ne ferais pas tout au monde pour revenir auprès de Clélia ? S’il y a du désordre, profitons-en pour me glisser dans le palais du gouverneur ; peut-être je pourrai parler à Clélia, peut-être autorisé par le désordre j’oserai lui baiser la main. Le général Conti, fort défiant de sa nature, et non moins vaniteux, fait garder son palais par cinq sentinelles, une à chaque angle du bâtiment, et une cinquième à la porte d’entrée, mais par bonheur la nuit est fort noire. À pas de loup, Fabrice alla vérifier ce que faisaient le geôlier