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ôter la vie. Je mourais d’inquiétude ne vous voyant point paraître, je vous croyais mort. Abstenez-vous de tout aliment jusqu’à nouvel avis, je vais faire l’impossible pour vous faire parvenir quelque peu de chocolat. Dans tous les cas, ce soir à neuf heures, si la bonté du Ciel veut que vous ayez un fil, ou que vous puissiez former un ruban avec votre linge, laissez-le descendre de votre fenêtre sur les orangers, j’y attacherai une corde que vous retirerez à vous, et à l’aide de cette corde je vous ferai passer du pain et du chocolat. »


Fabrice avait conservé comme un trésor le morceau de charbon qu’il avait trouvé dans le poêle de sa chambre : il se hâta de profiter de l’émotion de Clélia, et d’écrire sur sa main une suite de lettres dont l’apparition successive formait ces mots :


« Je vous aime, et la vie ne m’est précieuse que parce que je vous vois ; surtout envoyez-moi du papier et un crayon. »


Ainsi que Fabrice l’avait espéré, l’extrême terreur qu’il lisait dans les traits de Clélia empêcha la jeune fille de rompre l’entretien après ce mot si hardi : Je vous aime ; elle se contenta de témoigner beaucoup d’humeur. Fabrice eut l’esprit d’ajouter : Par le grand vent qu’il fait aujourd’hui,