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trouva un beau bréviaire tout neuf : une main qu’il commençait à connaître avait tracé ces mots à la marge :


« Le poison ! Prendre garde à l’eau, au vin, à tout ; vivre de chocolat, tâcher de faire manger par le chien le dîner auquel on ne touchera pas ; il ne faut pas paraître méfiant, l’ennemi chercherait un autre moyen. Pas d’étourderie, au nom de Dieu ! pas de légèreté ! »


Fabrice se hâta d’enlever ces caractères chéris qui pouvaient compromettre Clélia, et de déchirer un grand nombre de feuillets du bréviaire, à l’aide desquels il fit plusieurs alphabets ; chaque lettre était proprement tracée avec du charbon écrasé délayé dans du vin. Ces alphabets se trouvèrent secs lorsqu’à onze heures trois quarts Clélia parut à deux pas en arrière de la fenêtre de la volière. La grande affaire maintenant, se dit Fabrice, c’est qu’elle consente à en faire usage. Mais par bonheur, il se trouva qu’elle avait beaucoup de choses à dire au jeune prisonnier sur la tentative d’empoisonnement : un chien des filles de service était mort pour avoir mangé un plat qui lui était destiné. Clélia, bien loin de faire des objections contre l’usage des alphabets, en avait préparé un magnifique avec de l’encre. La conversation suivie par ce moyen, assez incommode dans les premiers mo-