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Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/179

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léger, tel que les discours des courtisans avaient dépeint Fabrice aux yeux de Clélia, eût sacrifié vingt maîtresses pour sortir un jour plus tôt de la citadelle ; et que n’eût-il pas fait pour sortir d’une prison où chaque jour le poison pouvait mettre fin à sa vie !

Clélia manqua de courage, elle commit la faute insigne de ne pas chercher un refuge dans un couvent, ce qui en même temps lui eût donné un moyen tout naturel de rompre avec le marquis Crescenzi. Une fois cette faute commise, comment résister à ce jeune homme si aimable, si naturel, si tendre, qui exposait sa vie à des périls affreux pour obtenir le simple bonheur de l’apercevoir d’une fenêtre à l’autre ? Après cinq jours de combats affreux, entremêlés de moments de mépris pour elle-même, Clélia se détermina à répondre à la lettre par laquelle Fabrice sollicitait le bonheur de lui parler dans la chapelle de marbre noir. À la vérité elle refusait, et en termes assez durs ; mais de ce moment toute tranquillité fut perdue pour elle, à chaque instant son imagination lui peignait Fabrice succombant aux atteintes du poison ; elle venait six ou huit fois par jour à la volière, elle éprouvait le besoin passionné de s’assurer par ses yeux que Fabrice vivait.

S’il est encore à la forteresse, se disait-elle, s’il est exposé à toutes les horreurs que la faction Raversi trame peut-être contre lui dans le but de