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d’une volonté terrible, qui protège ce prisonnier, lui offrit, à ce que je suppose, des moyens d’évasion, il les repoussa et voulut me persuader qu’il se refusait à quitter la citadelle pour ne pas s’éloigner de moi. Alors je fis une grande faute : je combattis pendant cinq jours, j’aurais dû à l’instant me réfugier au couvent et quitter la forteresse ; cette démarche m’offrait un moyen bien simple de rompre avec le marquis Crescenzi. Je n’eus point le courage de quitter la forteresse et je suis une fille perdue ; je me suis attachée à un homme léger : je sais quelle a été sa conduite à Naples ; et quelle raison aurais-je de croire qu’il aura changé de caractère ? Enfermé dans une prison sévère, il a fait la cour à la seule femme qu’il pût voir, elle a été une distraction pour son ennui. Comme il ne pouvait lui parler qu’avec de certaines difficultés, cet amusement a pris la fausse apparence d’une passion. Ce prisonnier s’étant fait un nom dans le monde par son courage, il s’imagine prouver que son amour est mieux qu’un simple goût passager, en s’exposant à d’assez grands périls pour continuer à voir la personne qu’il croit aimer. Mais dès qu’il sera dans une grande ville, entouré de nouveau des séductions de la société, il sera de nouveau ce qu’il a toujours été, un homme du monde adonné aux dissipations, à la galanterie, et sa pauvre compagne de prison finira ses jours dans un cou-