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comme hors d’elle-même, ou bien nous nous parlons ici pour la dernière fois. La vie que vous m’avez faite est affreuse : vous êtes ici à cause de moi et chaque jour peut être le dernier de votre existence. En ce moment Clélia était si faible qu’elle fut obligée de chercher un appui sur un énorme fauteuil placé jadis au milieu de la chapelle, pour l’usage du prince prisonnier ; elle était sur le point de se trouver mal.

— Que faut-il promettre ? dit Fabrice d’un air accablé.

— Vous le savez.

— Je jure donc de me précipiter sciemment dans un malheur affreux, et de me condamner à vivre loin de tout ce que j’aime au monde !

— Promettez des choses précises.

— Je jure d’obéir à la duchesse, et de prendre la fuite le jour qu’elle le voudra et comme elle le voudra. Et que deviendrai-je une fois loin de vous ?

— Jurez de vous sauver, quoi qu’il puisse arriver.

— Comment ! êtes-vous décidée à épouser le marquis Crescenzi dès que je n’y serai plus ?

— Ô Dieu ! quelle âme me croyez-vous ?… Mais jurez, ou je n’aurai plus un seul instant la paix de l’âme.

— Eh bien ! je jure de me sauver d’ici le jour que madame Sanseverina l’ordonnera, et quoi qu’il puisse arriver d’ici là.