Aller au contenu

Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 17 —

Elle rêvait en ce moment à ce que Parme pouvait offrir d’agréable, comme elle eût fait au retour d’un long voyage, tant de neuf heures à onze elle avait cru fermement quitter ce pays pour toujours.

Ce pauvre comte a fait une plaisante figure lorsqu’il a connu mon départ en présence du prince… Au fait, c’est un homme aimable et d’un cœur bien rare ! Il eût quitté ses ministères pour me suivre… Mais aussi pendant cinq années entières il n’a pas eu une distraction à me reprocher. Quelles femmes mariées à l’autel pourraient en dire autant à leur seigneur et maître ? Il faut convenir qu’il n’est point important, point pédant ; il ne donne nullement l’envie de le tromper ; devant moi il semble toujours avoir honte de sa puissance… Il faisait une drôle de figure en présence de son seigneur et maître ; s’il était là, je l’embrasserais… Mais pour rien au monde je ne me chargerais d’amuser un ministre qui a perdu son portefeuille : c’est une maladie dont on ne guérit qu’à la mort, et… qui fait mourir. Quel malheur ce serait d’être ministre jeune ! Il faut que je le lui écrive, c’est une de ces choses qu’il doit savoir officiellement avant de se brouiller avec son prince… Mais j’oubliais mes bons domestiques.

La duchesse sonna. Ses femmes étaient toujours occupées à faire des malles ; la voiture était avancée