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l’aube du jour, il vit entrer dans sa chambre un homme à lui inconnu, qui, sans dire mot, y déposa un panier de fruits : sous les fruits était cachée la lettre suivante :


« Pénétrée des remords les plus vifs par ce qui a été fait, non pas, grâce au Ciel, de mon consentement, mais à l’occasion d’une idée que j’avais eue, j’ai fait vœu à la très-sainte Vierge que si, par l’effet de sa sainte intercession, mon père est sauvé, jamais je n’opposerai un refus à ses ordres ; j’épouserai le marquis aussitôt que j’en serai requise par lui, et jamais je ne vous reverrai. Toutefois, je crois qu’il est de mon devoir d’achever ce qui a été commencé. Dimanche prochain, au retour de la messe où l’on vous conduira à ma demande (songez à préparer votre âme, vous pouvez vous tuer dans la difficile entreprise), au retour de la messe, dis-je, retardez le plus possible votre rentrée dans votre chambre ; vous y trouverez ce qui vous est nécessaire pour l’entreprise méditée. Si vous périssez, j’aurai l’âme navrée ! Pourrez-vous m’accuser d’avoir contribué à votre mort ? La duchesse elle-même ne m’a-t-elle pas répété à diverses reprises que la faction Raversi l’emporte ? on veut lier le prince par une cruauté qui le sépare à jamais du comte Mosca. La duchesse, fondant en larmes, m’a juré qu’il ne