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prisonnier se réveilla tout à fait ; il avait une épaule luxée et force écorchures. La duchesse avait encore des façons si extraordinaires que le maître d’une auberge de village, où l’on dîna, crut avoir affaire à une princesse du sang impérial, et allait lui faire rendre les honneurs qu’il croyait lui être dus, lorsque Ludovic dit à cet homme que la princesse le ferait immanquablement mettre en prison s’il s’avisait de faire sonner les cloches.

Enfin, sur les six heures du soir, on arriva au territoire piémontais. Là seulement Fabrice était en toute sûreté ; on le conduisit dans un petit village écarté de la grande route ; on pansa ses mains, et il dormit encore quelques heures.

Ce fut dans ce village que la duchesse se livra à une action non seulement horrible aux yeux de la morale, mais qui fut encore bien funeste à la tranquillité du reste de sa vie. Quelques semaines avant l’évasion de Fabrice, et un jour que tout Parme était allé à la porte de la citadelle pour tâcher de voir dans la cour l’échafaud qu’on dressait en son honneur, la duchesse avait montré à Ludovic, devenu le factotum de sa maison, le secret au moyen duquel on faisait sortir d’un petit cadre de fer, fort bien caché, une des pierres formant le fond du fameux réservoir d’eau du palais Sanseverina, ouvrage du treizième siècle, et dont nous avons parlé. Pendant que Fabrice dormait dans la trattoria de ce petit village, la duchesse fit appeler