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à ses paysans ; on expliquait ainsi l’accueil un peu dur fait à une trentaine de gendarmes que la police avait eu la nigauderie d’envoyer dans ce petit village, trente-six heures après la soirée sublime et l’ivresse générale qui l’avait suivie. Les gendarmes, accueillis à coups de pierres, avaient pris la fuite, et deux d’entre eux, tombés de cheval, avaient été jetés dans le Pô.

Quant à la rupture du grand réservoir d’eau du palais Sanseverina, elle avait passé à peu près inaperçue ; c’était pendant la nuit que quelques rues avaient été plus ou moins inondées, le lendemain on eût dit qu’il avait plu. Ludovic avait eu soin de briser les vitres d’une fenêtre du palais, de façon que l’entrée des voleurs était expliquée.

On avait même trouvé une petite échelle. Le seul comte Mosca reconnut le génie de son amie.

Fabrice était parfaitement décidé à revenir à Parme aussitôt qu’il le pourrait ; il envoya Ludovic porter une longue lettre à l’archevêque, et ce fidèle serviteur revint mettre à la poste au premier village du Piémont, à Sannazaro au couchant de Pavie, une épître latine que le digne prélat adressait à son jeune protégé. Nous ajouterons un détail qui, comme plusieurs autres sans doute, fera longueur dans les pays où l’on n’a plus besoin de précautions. Le nom de Fabrice del Dongo n’était jamais écrit ; toutes les lettres qui lui étaient destinées étaient adressées à Ludovic San Micheli, à Locarno