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— Mon général, dit don Cesare au gouverneur, j’ai l’honneur de vous prévenir que je vais quitter la citadelle : je donne ma démission.

— Bravo ! bravissimo ! pour me rendre suspect !… Et la raison, s’il vous plaît ?

— Ma conscience.

— Allez, vous n’êtes qu’un calotin ! vous ne connaissez rien à l’honneur.

Fabrice est mort, se dit Clélia ; on l’a empoisonné à dîner, ou c’est pour demain. Elle courut à la volière, résolue de chanter en s’accompagnant avec le piano. Je me confesserai, se dit-elle, et l’on me pardonnera d’avoir violé mon vœu pour sauver la vie d’un homme. Quelle ne fut pas sa consternation lorsque, arrivée à la volière, elle vit que les abat-jour venaient d’être remplacés par des planches attachées aux barreaux de fer ! Éperdue, elle essaya de donner un avis au prisonnier par quelques mots plutôt criés que chantés. Il n’y eut de réponse d’aucune sorte ; un silence de mort régnait déjà dans la tour Farnèse. Tout est consommé, se dit-elle. Elle descendit hors d’elle-même, puis remonta afin de se munir du peu d’argent qu’elle avait, et de petites boucles d’oreilles en diamants ; elle prit aussi, en passant, le pain qui restait du dîner, et qui avait été placé dans un buffet. S’il vit encore, mon devoir est de le sauver. Elle s’avança d’un air hautain vers la petite porte de la tour ; cette porte était ouverte, et l’on venait