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de sa cour. Une fois Napoléon par les bonnes fortunes, il se rappela qu’il l’avait été devant les balles. Son cœur était encore tout transporté de la fermeté de sa conduite avec la duchesse. La conscience d’avoir fait quelque chose de difficile en fit un tout autre homme pendant quinze jours ; il devint sensible aux raisonnements généreux ; il eut quelque caractère.

Il débuta ce jour-là par brûler la patente de comte dressée en faveur de Rassi, qui était sur son bureau depuis un mois. Il destitua le général Fabio Conti, et demanda au colonel Lange, son successeur, la vérité sur le poison. Lange, brave militaire polonais, fit peur aux geôliers, et dit au prince qu’on avait voulu empoisonner le déjeuner de M. del Dongo ; mais il eût fallu mettre dans la confidence un trop grand nombre de personnes. Les mesures furent mieux prises pour le dîner ; et, sans l’arrivée du général Fontana, M. del Dongo était perdu. Le prince fut consterné ; mais, comme il était réellement fort amoureux, ce fut une consolation pour lui de pouvoir se dire : Il se trouve que j’ai réellement sauvé la vie à M. del Dongo, et la duchesse n’osera pas manquer à la parole qu’elle m’a donnée. Il arriva à une autre idée : Mon métier est bien plus difficile que je ne le pensais ; tout le monde convient que la duchesse a infiniment d’esprit : la politique est ici d’accord avec mon cœur. Il serait divin pour