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jour, le prince signa les dépêches nécessaires pour obtenir que Fabrice fût nommé coadjuteur avec future succession, et moins de deux mois après, il fut installé dans cette place.

Tout le monde faisait compliment à la duchesse sur l’air grave de son neveu ; le fait est qu’il était au désespoir. Dès le lendemain de sa délivrance, suivie de la destitution et de l’exil du général Fabio Conti, et de la haute faveur de la duchesse, Clélia avait pris refuge chez la comtesse Contarini, sa tante, femme fort riche, fort âgée, et uniquement occupée des soins de sa santé. Clélia eût pu voir Fabrice : mais quelqu’un qui eût connu ses engagements antérieurs, et qui l’eût vue agir maintenant, eût pu penser qu’avec les dangers de son amant son amour pour lui avait cessé. Non-seulement Fabrice passait le plus souvent qu’il le pouvait décemment devant le palais Contarini, mais encore il avait réussi, après des peines infinies, à louer un petit appartement vis-à-vis les fenêtres du premier étage. Une fois, Clélia s’étant mise à la fenêtre à l’étourdie, pour voir passer une procession, se retira à l’instant, et comme frappée de terreur ; elle avait aperçu Fabrice, vêtu de noir, mais comme un ouvrier fort pauvre, qui la regardait d’une des fenêtres de ce taudis qui avait des vitres de papier huilé, comme sa chambre à la tour Farnèse. Fabrice eût bien voulu pouvoir se persuader que Clélia le fuyait