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laquelle la marquise jouerait le premier rôle, la petite Anetta la soubrette, et monsignor del Dongo l’amoureux ! Ma foi, le billet d’entrée ne serait pas trop payé à 2 francs. Il ne se sentait pas de joie, et, pendant toute la soirée, il coupait la parole à tout le monde, et racontait les anecdotes les plus saugrenues (par exemple, la célèbre actrice et le marquis de Pequigny, qu’il avait apprise la veille d’un voyageur français). La marquise, de son côté, ne pouvait tenir en place ; elle se promenait dans le salon, elle passait dans une galerie voisine du salon, où le marquis n’avait admis que des tableaux coûtant chacun plus de 20,000 francs. Ces tableaux avaient un langage si clair ce soir-là qu’ils fatiguaient le cœur de la marquise à force d’émotion. Enfin, elle entendit ouvrir les deux battants, elle courut au salon ; c’était la marquise Raversi ! Mais en lui adressant les compliments d’usage, Clélia sentait que la voix lui manquait. La marquise lui fit répéter deux fois la question : — Que dites-vous du prédicateur à la mode ? qu’elle n’avait point entendue d’abord.

— Je le regardais comme un petit intrigant, très-digne neveu de l’illustre comtesse Mosca ; mais à la dernière fois qu’il a prêché, tenez, à l’église de la Visitation, vis-à-vis de chez vous, il a été tellement sublime, que, toute haine cessante, je le regarde comme l’homme le plus éloquent que j’aie jamais entendu.