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préparé quelques sequins. — Faites-moi retenir quatre places.

— Sera-t-il permis au pauvre Gonzo de se glisser à la suite de votre excellence ?

— Sans doute ; faites retenir cinq places. Je ne tiens nullement, ajouta-t-elle, à être près de la chaire ; mais j’aimerais à voir Mlle Marini, que l’on dit si jolie.

La marquise ne vécut pas pendant les trois jours qui la séparaient du fameux lundi, jour du sermon. Le Gonzo, pour qui c’était un insigne honneur d’être vu en public à la suite d’une aussi grande dame, avait arboré son habit français, avec l’épée ; ce n’est pas tout, profitant du voisinage du palais, il fit porter dans l’église un fauteuil doré magnifique destiné à la marquise, ce qui fut trouvé de la dernière insolence par les bourgeois. On peut penser ce que devint la pauvre marquise, lorsqu’elle aperçut ce fauteuil, et qu’on l’avait placé précisément vis-à-vis la chaire. Clélia était si confuse, baissant les yeux et réfugiée dans un coin de cet immense fauteuil, qu’elle n’eut pas même le courage de regarder la petite Marini, que le Gonzo lui indiquait de la main, avec une effronterie dont elle ne pouvait revenir. Tous les êtres non nobles n’étaient absolument rien aux yeux du courtisan.

Fabrice parut dans la chaire ; il était si maigre, si pâle, tellement consumé, que les yeux de Clélia se remplirent de larmes à l’instant. Fabrice dit