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sur la magnifique illumination des salons du ministre de l’intérieur.

Jamais, se disait-on dans le cercle de courtisans qui se formait autour des deux beautés à la mode, et qui cherchait à se mêler à leur conversation, jamais elles ne se sont parlé d’un air si animé et en même temps si intime. La duchesse, toujours attentive à conjurer les haines excitées par le premier ministre, aurait-elle songé à quelque grand mariage en faveur de la Clélia ? Cette conjecture était appuyée sur une circonstance qui jusque-là ne s’était jamais présentée à l’observation de la cour : les yeux de la jeune fille avaient plus de feu, et même, si l’on peut ainsi dire, plus de passion que ceux de la belle duchesse. Celle-ci, de son côté, était étonnée, et, l’on peut dire à sa gloire, ravie des grâces si nouvelles qu’elle découvrait dans la jeune solitaire ; depuis une heure elle la regardait avec un plaisir assez rarement senti à la vue d’une rivale. Mais que se passe-t-il donc ? se demandait la duchesse ; jamais Clélia n’a été aussi belle, et l’on peut dire aussi touchante : son cœur aurait-il parlé ?… Mais en ce cas-là, certes, c’est de l’amour malheureux, il y a de la sombre douleur au fond de cette animation si nouvelle… Mais l’amour malheureux se tait ! S’agirait-il de ramener un inconstant par un succès dans le monde ? Et la duchesse regardait avec attention les jeunes gens qui les environnaient. Elle ne