Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/57

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dit-elle après un instant de réflexion. J’en fus frappée même alors, où tant de choses passaient inaperçues devant mes yeux d’enfant ! Comme ces deux dames semblaient admirer Fabrice !…

Clélia remarqua avec joie qu’aucun des jeunes gens qui lui parlaient avec tant d’empressement n’avait osé se rapprocher du balcon. L’un d’eux, le marquis Crescenzi, avait fait quelques pas dans ce sens, puis s’était arrêté auprès d’une table de jeu. Si au moins, se disait-elle, sous ma petite fenêtre du palais de la forteresse, la seule qui ait de l’ombre, j’avais la vue de jolis orangers, tels que ceux-ci, mes idées seraient moins tristes ! mais pour toute perspective les énormes pierres de taille de la tour Farnèse… Ah ! s’écria-t-elle en faisant un mouvement, c’est peut-être là qu’on l’aura placé ! Qu’il me tarde de pouvoir parler à don Cesare ! il sera moins sévère que le général. Mon père ne me dira rien certainement en rentrant à la forteresse, mais je saurai tout par don Cesare… J’ai de l’argent, je pourrais acheter quelques orangers qui, placés sous la fenêtre de ma volière, m’empêcheraient de voir ce gros mur de la tour Farnèse. Combien il va m’être plus odieux encore maintenant que je connais l’une des personnes qu’il cache à la lumière !… Oui, c’est bien la troisième fois que je l’ai vu ; une fois à la cour, au bal du jour de naissance de la princesse ; aujourd’hui, entouré de trois gendarmes, pendant