Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 5 —

sentiments envers la duchesse, il ne faut point oublier que c’est une des plus grandes dames de ma cour. Comment Louis XIV parlait-il aux princesses ses filles quand il avait lieu d’en être mécontent ? et ses yeux s’arrêtèrent sur le portrait du grand roi.

Le plaisant de la chose, c’est que le prince ne songea point à se demander s’il ferait grâce à Fabrice et quelle serait cette grâce. Enfin, au bout de vingt minutes, le fidèle Fontana se présenta de nouveau à la porte, mais sans rien dire. — La duchesse Sanseverina peut entrer ! cria le prince d’un air théâtral. Les larmes vont commencer, se dit-il, et, comme pour se préparer à un tel spectacle, il tira son mouchoir.

Jamais la duchesse n’avait été aussi leste et aussi jolie ; elle n’avait pas trente-cinq ans. En voyant son petit pas léger et rapide effleurer à peine les tapis, le pauvre aide de camp fut sur le point de perdre tout à fait la raison.

— J’ai bien des pardons à demander à votre altesse sérénissime, dit la duchesse de sa petite voix légère et gaie ; j’ai pris la liberté de me présenter devant elle avec un habit qui n’est pas précisément convenable, mais votre altesse m’a tellement accoutumée à ses bontés que j’ai osé espérer qu’elle voudrait bien m’accorder encore cette grâce.

La duchesse parlait assez lentement, afin de se donner le temps de jouir de la figure du prince ;