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là une fière occasion pour vous, et qui vaut bien la croix de Saint-Paul que vous me donnez. Le prince vous accorderait, comme récompense nationale, une jolie terre valant 600,000 francs qu’il distrairait de son domaine, ou une gratification de 300,000 francs écus, si vous vouliez consentir à ne pas vous mêler du sort de Fabrice del Dongo, ou du moins à ne lui en parler qu’en public.

— Je m’attendais à mieux que ça, dit le comte ; ne pas me mêler de Fabrice, c’est me brouiller avec la duchesse.

— Eh bien ! c’est encore ce que dit le prince : le fait est qu’il est horriblement monté contre madame la duchesse, entre nous soit dit ; et il craint que, pour dédommagement de la brouille avec cette dame aimable, maintenant que vous voilà veuf, vous ne lui demandiez la main de sa cousine, la vieille princesse Isota, laquelle n’est âgée que de cinquante ans.

— Il a deviné juste ! s’écria le comte ; notre maître est l’homme le plus fin de ses États.

Jamais le comte n’avait eu l’idée baroque d’épouser cette vieille princesse ; rien ne fût allé plus mal à un homme que les cérémonies de cour ennuyaient à la mort.

Il se mit à jouer avec sa tabatière sur le marbre d’une petite table voisine de son fauteuil. Rassi vit dans ce geste d’embarras la possibilité d’une bonne aubaine ; son œil brilla.